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Introduction

Le travail présenté ici porte sur l'étude d'un écoulement thermo-hydrodynamique en convection illustrant les premières étapes de la transition vers le chaos spatio-temporel d'un système étendu d'ondes propagatives.


Chaos, chaos spatio-temporel et turbulence En physique, le chaos déterministe temporel est caractérisé par la sensibilité aux conditions initiales. L'apparition de ce chaos temporel -- connu depuis les travaux de Poincaré en mécanique céleste -- a été élucidée dans les années 1970 par les travaux théoriques de Ruelle et Takens (1971) explicitant un scénario de transition par quasi-périodisme, illustré par exemple sur le modèle de Lorenz (1963) ou celui de Rossler (1976). Ce scénario a été confirmé par de nombreuses expériences (Bergé (1988)) dont les plus célèbres se trouvent en thermo-hydrodynamique -- convection de Rayleigh-Bénard dans une petite boîte -- et en chimie -- réaction de Bélousov-Zabotinsky -- entre autres. A peu près dans le même temps, deux autres scenarii étaient mis en évidence : celui de la cascade sous-harmonique et celui de l'intermittence.


Si l'aspect spatial est pris en compte, le chaos est qualifié de spatio-temporel et son apparition continue à l'heure actuelle de faire l'objet de nombreuses études. En effet, un système étendu (une « grande » boîte) présente un continuum de degrés de liberté spatiaux qui interviennent dans la transition vers le chaos, enrichissant la phénoménologie décrite dans le cas purement temporel des petites boîtes.


En hydrodynamique, le chaos spatio-temporel prélude souvent à la turbulence ; et celle-ci reste depuis plusieurs siècles (travaux de Léonard de Vinci) une source de questions ouvertes. Parmi ces questions, et outre celle d'une description précise de la turbulence, se trouve le problème de comprendre comment un système donné peut transiter d'un état laminaire vers un état turbulent. Notre étude s'inscrit dans ce cadre : comprendre avec un système modèle comment la variation d'une contrainte extérieure -- la variation d'une grandeur intensive appelée paramètre de contrôle -- provoque la transition vers la turbulence.


Par transition vers la turbulence, nous entendons ici surtout les premières étapes de cette transition. Nous décrirons ainsi comment une simple couche de fluide, au repos lorsqu'aucune contrainte ne lui est appliquée -- l'équilibre thermodynamique est établi--, acquiert hors équilibre, sous l'effet d'une contrainte thermique, un mouvement tout d'abord parfaitement ordonné. Sous l'effet d'une contrainte de plus en plus importante, une complexification progressive du comportement spatial et temporel apparaît via la formation de structures dissipatives. A chaque étape, une bifurcation donne naissance à un nouvel objet qui vient enrichir la structure précédente (Fauve (1984)). Un nombre d'étapes fini, petit, est parfois suffisant à un système expérimental pour présenter toutes les caractéristiques du chaos spatio-temporel, c'est à dire d'une forme de turbulence si l'on considère la terminologie propre à l'hydrodynamique.


Systèmes ouverts et fermés Dans le but de comprendre la transition vers le chaos spatio-temporel, de nombreux systèmes modèles ont déjà été mis en avant et un grand intérêt a été porté aux systèmes fermés -- sans flux de matière, ni donc d'information extérieure -- ainsi qu'aux systèmes ouverts, souvent plus proches des phénomènes observables dans la vie courante (sillages, panache de fumée de cigarette, robinet ouvert...). Parmi les systèmes fermés les plus étudiés, citons les systèmes purement hydrodynamiques comme l'écoulement de Taylor-Couette -- qui présente des instabilités super- ou sous-critiques suivant les cas -- ainsi que les systèmes thermo-hydrodynamiques, avec présence active du champ scalaire température, comme le système thermo-convectif de Rayleigh-Bénard -- qui présente une instabilité supercritique dans le cas d'un fluide simple et une instabilité sous-critique dans le cas d'un mélange binaire.


Contraintes thermiques et mécaniques Un avantage des systèmes thermo-hydrodynamiques réside dans le fait que la contrainte qui éloigne le fluide de l'équilibre thermodynamique est d'origine thermique. La seule échelle spatiale macroscopique associée à la contrainte est l'échelle $ L$ à laquelle est imposé le gradient de température ; il en est de même pour l'échelle de temps macroscopique. Par conséquent, les structures qui apparaissent ne se trouvent en présence d'aucun forçage spatial ou temporel. En effet, le bruit thermique se déploye sur des échelles microscopiques et n'influe pas les structures macroscopiques qui apparaissent, au contraire du bruit mécanique. Les systèmes thermo-hydrodynamiques sont donc une illustration de choix des scenarii de transition vers un chaos spatio-temporel intrinsèque, i.e., non imposé par un bruit extérieur.


Bifurcations supercritiques et sous-critiques Le système particulier que nous étudions présente essentiellement des bifurcations supercritiques. Dans une bifurcation supercritique, le nouvel objet -- ou mode -- apparaît « continûment », c'est à dire que son amplitude est continue au passage de la bifurcation. L'autre grande famille de bifurcations est celle des bifurcations sous-critiques, où l'apparition du nouveau mode est discontinue (i.e. brutale) ; de telles bifurcations sont en général associées à un cycle d'hystérésis. En terme de transition de phase à l'équilibre thermodynamique, les bifurcations ou instabilités supercritiques sont analogues à des transitions du second ordre (transition ferromagnétique/paramagnétique par exemple) alors que les bifurcations ou instabilités sous-critiques sont analogues à des transitions du premier ordre (transition liquide/vapeur par exemple).


Structures stationnaires et propagatives Notre système convectif présente de plus l'originalité suivante : sous certaines conditions que nous remplirons toujours, la première bifurcation qui y apparaît est supercritique et donne naissance à un système d'ondes propagatives. Rappelons que la convection de Rayleigh-Bénard dans les fluides simples donnait naissance à des structures stationnaires de façon supercritique ; dans le cas des mélanges binaires, les structures pouvaient être propagatives mais apparaissaient alors de façon sous-critique. Nous allons ainsi étudier la transition vers le chaos spatio-temporel à partir non plus d'une structure périodique et stationnaire mais à partir d'une structure périodique en espace et en temps.


De plus, au contraire de l'instabilité secondaire oscillatoire des rouleaux stationnaires de Rayleigh-Bénard, notre instabilité est la première que subit le fluide lorsque la contrainte thermique est augmentée. Cela confère au système une plus grande généricité et la possibilité d'un lien direct avec la description hydrodynamique classique par les équations de Navier-Stokes.




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Nicolas Garnier - Thèse de doctorat